Ces obscurs objets du désir contemporain

Avant même le début de la pièce, le dispositif intrigue. Les spectateurs rentrent tous ensemble dans une pièce où est installé un cercle de chaises. Une fois chacun à sa place, la pièce commence de façon inattendue, nous entraînant sans transition dans son univers qui fait écho aux nôtres.


L’écho est justement utilisé entre les 2 actrices, créant un lien à la fois distordu, tendu de quiproquos et aveugle.
Une jeune femme a cru trouver dans les magasins l’objet qui scellerait et consoliderait un bonheur conjugal en vacances. Mais après s’être adonnée au tourbillon consumériste qui nous guette tous, force est de constater que si l’accessoire est là parmi ses affaires, le partenaire lui n’y est pas.


Et même en amitié, elle réalisera ,expérience douloureuse à l’appui, qu’autrui n’est pas un bien de consommation, un être désincarné prêt à « matérialiser » nos aspirations. Viendra le dépit, la colère, la frustration qu’engendre la confrontation au réel et à l’identité de l’autre, différente de nos attentes et de nos projections.
Le texte très travaillé, charnu et poétique et le relatif dépouillement de la mise en scène sont renforcés par l’énergie de deux comédiennes qui se livrent à une véritable chorégraphie, à mi-chemin entre pas de deux jamais bien réglé et sports de combats façon capoeira tant l’affrontement affleure toujours dans leur interaction.

Des cercles se créent par exemple avec des pages de magasine arrachés et froissés de colère, augmentant l’impression d’isolement des personnages dans leur ultra-moderne solitude et dans les déceptions qu’engendrent les rêves cultivés par la publicité et le marketing.
Le langage serait-il alors une des issues de secours pour sortir des cycles aliénants ?

Le même langage qui semble manquer aux spectateurs lorsque débute le moment de convivialité voulu par l’équipe artistique. Mais après cet afflux à haut débit de mots et d’émotions portés avec brio par les deux actrices, le public met un certain temps à retrouver les marques du quotidien et l’usage de la parole, pour partager avec autrui cette expérience théâtrale, intense, étonnante et fulgurante.
Et cette « proposition théâtrale de mise en je(u) » de révèler jusqu e dans ce moment qui la suit la richesse des enjeux, la profondeur du miroir qu’elles nous tendent en en jouant.

SUJET(S)
avec Morgan Floc’h et Sylvia Donis
Texte et mise en scène de Melissa Vicaut
Scénographie : Fanny Laplane
Vu à l’ABC Théâtre, 14 rue de Thionville, 75019 Paris

Site : http://sujets.jimdo.com

Nathalie

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