Papperlapapp, au bout de l’ennui

Je le savais en venant dans cette superbe cours d’honneur, un soir de juillet, en plein festival d’Avignon : je risquais une rencontre hors norme avec le théâtre, le théâtre contemporain. Je n’ai pas été déçu. Christoph Marthaler, super star des metteurs en scène de théâtre, est l’un des invités du festival. Carte blanche pour la cours d’honneur.

La scène de la cours d'honneur du Palais des Papes

Le musicien metteur en scène, avec sa scénographe Anna Viebrock, a fait de cette cours d’honneur son personnage central. Les comédiens, sortis d’un camion qu’on imagine militaire, la découvre, lentement, guidé par un aveugle. Une cours d’honneur où les tombeaux de Papes cohabitent avec une glacière Coca, des machines à laver, un confessionnal… le symbole est partout. Société de consommation, religion à la dérive, illumination et avilissement des peuples… on est très proche d’une certaines réalité consumériste, la preuve avec ces cadres de fenêtres PVC blanc sur toutes les fenêtres associés à des climatiseurs : on aurait juré que ce n’était pas du décor mais une superbe et malheureuse faute de goût du palais des papes. Un gros ouf de soupir : c’est bien du décor ! Bref la pièce est lancée mais déjà je perds le fil. Bien entendu, je souris lorsque les prières des personnages sont éclipsées par un prête bricoleur qui attaque à la scie sauteuse son confessionnal, lorsque un chevalier en armure, clope au bec, se prends de face les meubles et manque de trébucher, mais je me noie dans la foule de messages dissolus que Marthaleur cherche à nous faire passer. C’est quasiment une suite d’image, de scènes, que je n’arrive pas à lier entre elle. Le théâtre pour dire des choses, partager sa pensée oui, mais pas au détriment du spectacle et du plaisir. Les quelques scènes burlesques ne me sauvent pas de cet ennui qui m’entraine au bout de la nuit (on sent l’inspiration de la musique des années 80).  Oui parce que croyez-moi, 2h30 de Papperlapapp, c’est long. D’ailleurs la longueur, Marthaleur aime ça. Papperlapapp veut dire « bla bla bla » en allemand, et on peut dire que le metteur en scène aime le « bla bla bla ». Répéter certaines scènes 10 fois, ça ne lui fait pas peur, imposer 10 minutes de quasi néant (4 comédiens disséminés sur scène qui ne bougent pas), ça ne lui fait pas peur, les « houuuuuu » des spectateurs qui s’emmerdent, ça ne lui fait pas peur non plus. D’ailleurs on peut se demander si ça ne fait pas parti du spectacle, cette réaction hostile du public (pas de tous) : pousser le spectateur jusqu’à sa limite et voir sa réaction. Les gradins des spectateurs deviennent alors la scène et lorsqu’une file de spectateurs sortant reprend les mêmes pas et cadences des comédiens sur scène, sans le vouloir, on ne peut s’empêcher de penser à un spectacle… interactif. Mais ne nous laissons pas emporter par cet ennui mortel. J’ai aimé les chants qui donnent un supplément d’âme vitale à ce spectacle. Ce moment assez magique, où le son, le bruit, la musique prennent tout l’espace : les pierres tremblent, tout comme les gradins. Les baffles sont poussées au maximum et font ressortir des pierres de la cours d’honneur des siècles d’Histoire. Une sensation forte. Mais voilà, nous comptons les minutes qui nous séparent de la fin providentielle de cette expérience théâtrale. Un peu démago, l’un des tous derniers dialogues, mettra en exergue la longue histoire des crimes de papes, des gens de pouvoir comme les autres, qui usèrent et abusèrent de leur puissance. Qui en usent sûrement encore. « A quoi tu penses quand tu bois du vin rouge ? » la répétition infinie des mêmes phrases me lassent et mon regard se fixent sur ces pierres, cette cours, qui a du vivre des moments historiques si grands, vu passer des siècles de bataille et de vie, et qui aura vu ce soir, un spectacle qui n’aura pas su divertir, amuser, emmener, et qui n’aura pas fait passer grand chose comme message, comme sensation, à l’exception prêt de l’ennui. Les personnages retournent dans leur camion, en marchant cannes à la main, comme des petits vieux… un retour au camion qui durent des siècles. Fin de la pièce. Les comédiens ont l’air heureux, le public oscille entre « bravo » émus et « houuuuuu » de colère. Pour ma part désabusé, fatigué d’ennui, je me replonge dans l’image, en prenant ces quelques photos. Il est temps pour nous de retourner à la vie.

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Jean-François

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