Des micros sous leurs pas. Le son comme mémoire du monde, transmission de ce qui rassemble les êtres.
Le son comme liberté, celle qui capte et offre au spectateur les témoignages si riches de ces 8 êtres que la tradition rassemble, alors qu’ils ne se seraient pas rencontrés sans.« Ils ont déjà trop de temps sur leur dos, il faut trouver un moyen de passer son temps. » Est-ce cette question qui relie ces 8 êtres qu’a rencontré Anaïs Barbeau Lavalette qui nous offre qui ils sont sur cette scène ? On songe à Jacques Tati, à Raymond Depardon, à Bob Fosse « all that jazz », à Gennetines, à « Ghost story. »
Parmi les 8 récits, il y a les mots que cet homme cache dans les maisons qu’il remet en état, comme une signature, comme la trace de son passage.. à ce qu’on fait à notre patrimoine immatériel, cette maison tombée en ruine, et à ce qu’on se fait, à soi en laissant faire, en laissant disparaître. Les mots de cet homme, qui n’a pas eu de père et qui a vécu l’abus parce qu’avec cet autre, il croyait avoir senti la chaleur du père. Pourtant il rit encore, et porte la joie.
Il est question de la « défense de la joie », écho à ce texte de Beneditti : « Défendre la joie comme un droit, la défendre de(…) l’hiver, des majuscules et de la mort, des noms de famille et des peines du hasard, et aussi de la joie.»
La joie, comme moteur du monde, la joie qui jaillit au détour d’une ruelle en pleine canicule, la joie de récolter les récits si vivants et pouvoir garder intact cette impression de première fois grâce à ce dispositif de documentaire scénique, jamais vu ailleurs avant. Émile Proulx a vu en celle qu’il aime et met en scène, ce grand talent lié au courage du silence.
Face à la parole de l’autre qu’Anaïs B.L recueille comme un trésor. Le geste qui rassemble, qui se répète, qui perpétue la tradition. Le documentaire comme témoin du monde, comme récolte des pas qui tissent le monde et le rendent plus humain.
On songe à la saudade, entre mélancolie et espoir, à la mémoire et ce qu’elle permet de faire vivre, de transmettre, comme un cadeau, à la richesse infinie entre individus de cultures si différentes, rassemblés par les pas vers la joie.
Ce ne sera « pas perdu » ce qui est si justement offert ici, ce sera gardé en mémoire et vécu jusque dans nos chairs.
« Il faut arracher la joie aux jours qui filent. » Maïakovski
La joie circulait entre les spectateurs, rassemblés ici.
« Pas perdus » Anais Barbeau Lavalette -Theatre Duceppe https://www.placedesarts.com/evenement/pas-perdus-documentaires-sceniques