Reconstitution de Pascal Rambert au Théâtre de l’Aquarium

 

Une fois n’est pas coutume, c’est une histoire de couple (que serait le théâtre sans cela…). Ils ont vécu ensemble plus de 1400 jours (je vous laisse faire la conversion en années), puis se sont séparés. Longtemps après, ils se retrouvent dans un hangar pour une « reconstitution » de leur première rencontre, où ils ont eu le coup de foudre lors d’une randonnée, près d’une petite église. Il a apporté pour cela trois tasseaux de bois afin de faire un cadre de scène, une bâche bleue pour figurer le ciel et une batterie de bougies pour la lumière (les théâtreux auront reconnu le principe de la mise en abyme, dont les uns usent et abusent quand d’autres ne veulent pas ou plus en entendre parler). Le couple va au préalable évoquer son passé grâce aux cartons remplis de livres et de souvenirs posés sur des tables (il en a apporté deux, elle en a une douzaine…) et dîner ensemble à titre commémoratif.

Tout cela n’est certes pas exempt de clichés mais le canevas de la pièce est efficace et original. Ayant reçu en 2016 le prix du Théâtre de l’Académie Française, Pascal Rambert ne prône pas, vous l’aurez deviné, un théâtre d’avant-garde : il est plus proche de Jean-Luc Lagarce que de Vincent Macaigne et, ma foi, mieux vaut parfois voir un bon Lagarce qu’un mauvais Macaigne ! L’histoire du texte, dont la qualité d’écriture est indéniable, est particulière puisqu’il s’agit d’une commande faite par Véro Dahuron et Guy Delamotte, directeurs du Pantha Théâtre, une institution très engagée dans la création de textes contemporains. Les prénoms des personnages sont d’ailleurs identiques à ceux des acteurs, qui ont sympathisé avec Rambert lorsqu’ils ont joué en 2015 sa Clôture de l’amour (tout un programme…). L’auteur a également choisi de mettre son texte en scène et c’est peut-être là où le bât blesse : on a comme l’impression que les trois protagonistes du spectacle ont trop de choses en commun dans la vie pour que la vie puisse être pleinement recréée sur scène. Les phrases et les situations sont parfois très dures et pourtant, bien souvent, l’émotion fait défaut.

Non pas qu’il y ait un manque de talent ou d’engagement des comédiens, bien au contraire. Mais ils ne semblent pas s’être entièrement approprié le texte, comme si leur trop profonde admiration pour l’auteur les avaient empêché de faire de cette pièce une histoire à eux. Par exemple, lorsque Véronique donne à Guy le jogging qu’il portait le jour de leur rencontre et qu’il arrive à peine à l’endosser, une petite dose d’attendrissement aurait paru plausible… Et l’on en vient dès lors à s’imaginer ce que donnerait la pièce montée par une équipe différente et dans un tout autre esprit.

Car en tant que metteur en scène, Pascal Rambert a vu sa Reconstitution comme quelque chose de glacial. L’absence d’effets sonores, la lumière blanche des néons et le jeu ascétique des comédiens s’inscrivent dans ce parti pris. Notons que, comme toute première création, le spectacle revêt encore un caractère expérimental, mais il n’en reste pas moins marqué par une sorte d’austérité implacable, à l’image de son affiche, qui sent tellement bon la déprime qu’elle donne difficilement l’envie d’aller s’immerger durant 1h20 à l’intérieur du Théâtre de l’Aquarium. Si vous n’avez donc pour tasse de thé théâtrale que les histoires de couples à la Feydeau ou à la Guitry, inutile de vous dire que Reconstitution n’est pas pour vous…

À l’écoute de certains passages, notamment quand Véronique dit à Guy : « même pendant toutes ces années j’aurais préféré que ce soit mes bras qui t’étreignent plutôt que des oiseaux noirs perchés sur ton crâne ». Ou quand Guy dit à Véronique : « et ces mains-là j’aimerais les tenir dans les miennes toute ma vie », on se dit qu’en plus d’offrir une réflexion incisive sur la rupture amoureuse et ses séquelles, Reconstitution est aussi un texte empli d’une évidente poésie. Mais que cette poésie reste encore à trouver sur scène.

©Tristan Jeanne-Valès

 

AU THEÂTRE DE L’AQUARIUM, CARTOUCHERIE DE VINCENNES

DU 9 AU 23 MAI 2018

Texte et mise en scène de Pascal Rambert.
Avec Véro Dahuron et Guy Delamotte.

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