L’ AFFAIRE COURTELINE AU LUCERNAIRE

Sept saynètes de l’auteur sont jouées par quatre comédiens et deux comédiennes au Théâtre Rouge du Lucernaire. Si certaines sont vite reconnaissables comme Monsieur Badin, l’affaire Champignol et la Peur des coups, les autres le sont beaucoup moins. On souhaiterait encore une fois trouver dans le programme du Lucernaire un peu plus d’infos…

J’aimerais pouvoir dire du bien de ce spectacle mais malheureusement il est loin, très loin de m’avoir convaincue. Pourtant force est de constater que les critiques de mes confrères blogueurs affichés dans le hall du Lucernaire sont très dithyrambiques ! Alors que s’est-il passé ? Ai-je perdu mon sens de l’humour ! Pourquoi ce Courteline (tout comme la cruche jouée ici même au Lucernaire) ne m’a pas fait rire. Il manque à mon sens un vrai parti pris dans la mise en scène, rien de cohérent, rien de construit, tout semble fouillis et peu approfondi dans le travail. La direction d’acteur ne rend pas service aux comédiens ; seul Etienne Launay sort encore une fois son épingle du jeu (il a une intelligence du texte qui à chaque fois me surprend ! Lui seul semble avoir compris Courteline)

Tous attendent leur tour, sur des tabourets, à vue sur scène, tout comme les costumes. Chacun va donc entrer dans « l’arène » avec un accessoire rose fuchsia, une fleur, un parapluie, un chapeau, un corset… A quoi servent ces accessoires ? En quoi caractérise-t-il  leur personnage ou la situation ? Rien de pertinent dans le choix de ceux-ci, tout comme leur maquillage. Quel est son intérêt ? Tout semble gratuit. Quid des chansons rajoutées ? Quel lien  entre Courteline, Albert Préjean, Gaston Ouvrard et Colette Renard ?  La bonne humeur certes mais cela n’est pas suffisant comme argument. On aimerait un fil conducteur. D’autant que Courteline n’est pas Feydeau. Bien que contemporains, il ne faut pas les mettre dans le même sac. Citons  André Roussin  (« Farce et Vaudeville », dans « La Question Feydeau », Cahiers Renaud-Barrault, n°32)  qui  affirmait en 1960 que :

« Le vaudeville ne dépasse pas le phénomène du rire, tandis que la farce, par la notion d’injustice qu’elle suppose, implique une morale. On ne généralise pas sur un vaudeville _ on ne peut que généraliser sur une farce. On n’a pas de morale à tirer du vaudeville _ une farce en a toujours une que l’on pourrait énoncer comme pour les fables, une fois l’histoire racontée. Le vaudeville est gratuit ; la farce, exemplaire. […] Toute la différence entre Feydeau et Courteline tient dans ce mot. Courteline écrivait des farces (et son théâtre est tragi-comique) ; Feydeau des vaudevilles (et son théâtre  magistral dans le genre ne relève que de la bonne humeur). 

Chez Courteline, le choix des mots se veut plus corrosif comme chez Molière. On est dans un comique de caractère. Comme l’a noté Gustave Lanson, « son aptitude naturelle à saisir partout le caractère ridicule de la situation ou des êtres, puis à le dilater en caricatures énormes qui ne le dénaturent pas mais l’accentuent, son goût des contrastes et des retournements subits, ses guignolades même […] rappellent en effet la verve copieuse et colorée des farces moliéresques ».

On aurait souhaité entendre les mots de ces textes. Les dialogues incisifs et l’ humour féroce de Courteline passent complètement à la trappe. Le metteur en scène réduit Courteline a un simple divertissement. Dommage, Courteline vaut vraiment mieux que cela !

Théâtre du Lucernaire

Mise en scène Bertrand Mounier

Avec  Isabelle de Botton, Salomé Villiers ou Raphaëlle Lemann, Étienne Launay, Pierre Hélie, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier ou François Nambot

Du 21 mars au 6 mai du mardi au samedi à 19h, dimanche à 16h

Sarah Nô